Jung Sik Dang (정식당)

où est le kimchi ?

Jung Sik Dang

Un véritable monde culinaire inexploré m’attendait à Séoul. Mais je ne pouvais pas ne pas tenter, ne serait-ce qu’une fois, d’aller dans un resto prout prout, avec des petites poudres et des coups de pinceau sur l’assiette, des plats à photographier, à Instagrammer, à Twitter

J’ai beau me moquer un peu, mais je n’y peux rien, j’aime ça. Je veux bien aller au Marché Gwangjang tous les jours y manger des bindaetteok et des gimbap, mais de temps en temps j’ai envie qu’on me présente une assiette chirurgicale, avec une dizaine d’éléments minutieusement composés, architecturés, aux goûts qui enchantent ou parfois même défient.

Jung Sik Dang fait parti des rares restaurants servant avec des pincettes une cuisine coréenne (la plupart des restaurants huppés de Séoul étant occidentaux). Et j’avais hâte de voir quelle tournure cela pouvait bien prendre.

Jung Sik Dang - Amuse-bouches

Amuse-bouches
Le jeune et gentil serveur faisait tout son possible pour décrire les plats en anglais, et bien que je lui ai demandé plus d’une fois quelques précisions, certains éléments sont restés obscures… C’est le cas de ces amuse-bouches. Celui de gauche, une chips de maïs croquante chapeautée par une boulette de poulpe, de l’avocat et… certainement d’autres détails, était très agréable. Le second… une gelée, du kimchi fade (?), des noisettes, oui, oui, des noisettes et euh… probablement autre chose. Le second, donc, était dispensable.

Jung Sik Dang - Entrée

Entrée…
On me demande souvent comment je fais pour me rappeler de mes impressions sur des plats que j’ai parfois mangé plusieurs mois auparavant… Cela fait en effet quelque temps déjà que je suis rentré en France, et que je continue à chroniquer mes expériences passées en Corée du Sud. A vrai dire, lorsque je mange, je prends beaucoup de notes mentales, je m’imagine parfois déjà en train d’écrire l’article pour Chez Food, et puis les photos m’aident à me replonger dans le moment. Dans le cas de restaurants servant plusieurs plats, comme chez Jung Sik Dang, j’écris aussi quelques mementos sur un bout de papier ou sur mon ordinateur aussitôt rentré chez moi.
Et puis parfois, j’ai beau retourné mon calepin dans tous les sens, j’ai beau cisailler la photographie du regard en me massant les tempes : je ne retrouve pas le plat…

Très cher lecteur, très chère lectrice, cette entrée, je n’ai aucune idée de ce qu’elle est, ni si elle m’a plu. Je vous présente mes sincères excuses et irai déposer une gerbe de fleurs sur la tombe de Grimod de La Reynière, en espérant qu’il me pardonnera mon amateurisme.

Jung Sik Dang - Poulpe

Poulpe
Par contre ce céphalopode, je n’ai pas eu besoin de froncer les sourcils pour m’en rappeler. Il fut tout ce que le sannakji (du marché Noryangjin) ne fut pas : croustillant, tendre et parfaitement assaisonné. Il ne paye pas de mine comme ça, entouré de ses deux demi tomates cerises et de sa lamelle de radis, mais il cachait bien son jeu le bougre !

Jung Sik Dang - Bibimbap

Bibimbap
Le « plat signature » de Jung Sik Dang est ce bibimbap à l’oursin. Une purée d’algues remplace le gochujang ((pâte de piment)), de belles langues d’oursin iodées et florales se prélassent sur le riz, et quelques graines de millet soufflé viennent rajouter un peu d’espièglerie croustillante. Bien que foncièrement moins punchy qu’un bibimbap traditionnel, l’équilibre et la douceur de ce bol le rendaient addictif.

Jung Sik Dang - Vitality Noodles

Vitality noodles
Ces « nouilles de vitalité » furent le premier, et dernier, mets pimenté du déjeuner, ce qui est un peu regrettable pour un restaurant coréen… (mais où était donc le kimchi ?!). Le canard et le foie gras n’alourdissaient pas l’affaire, et ce bouillon d’inspiration chinoise se dégustait avec entrain, bien qu’on eût souhaité que le piment nous fasse transpirer un peu plus…

Jung Sik Dang - Homard

Homard
Un peu déçu par ce homard dont la chair délicate était noyée dans l’émulsion lourdingue au beurre. Des notes amères d’agrumes n’arrangeaient rien à ce pauvre crustacé qui aime d’habitude qu’on lui déroule le tapis rouge, mais qui disparaissait derrière tant de bavardage.

Jung Sik Dang - Rose versailles

Rose Versailles
Ne rigolez pas ! Tut tut tut… Comment ça kitch ? Mais arrêtez je vous dis, laissez-moi en placer une ! Oui ce dessert parait tout droit sorti de la boite à bijoux de votre arrière grande tante anglaise. Oui, on s’attend à croquer dans du parfum à la lavande gélifié. Mais croyez-moi, ce dessert était étonnant. De la meringue, de la glace à la rose, de la myrtille, une texture de gâteau moelleux, une autre croquante, tout ce que ce dessert n’était pas dans l’œilleton, il l’était dans la fourchette : fruité, subtil et délicat.

Des mignardises, une tisane et l’addition…

J’ai l’impression que cette note est un peu éparpillée, imprécise… Pourtant les plats de Jung Sik Dang ne manquaient pas de précision ni de raffinement, on pourrait même dire que ce fut un sans faute (à l’exception de ce homard muet). Alors pourquoi je n’arrive pas à vous communiquer plus d’enthousiasme pour ce restaurant ? Pourquoi j’ai la sensation que quelque chose manque, que la machine bien huilée aurait tout de même besoin d’un petit coup de fouet pour nous réveiller ?

Dans mon introduction je parle « d’enchantement », de « défi », souvent dans ces restaurants qui jouent avec nos attentes, qui s’ancrent dans la modernité, on est surpris. La surprise peut arriver de mille manières : un mets qui parait simple et nous fait faire des galipettes, une juxtaposition d’ingrédients farfelus qui se retrouvent comme de vieux amants, des présentations post-modernistes qui deviennent familières dans la bouche, etc… Parfois les surprises s’avèrent décevantes, mais le chef aura tenté quelque chose (ou peut-être qu’il se sera juste foutu de votre gueule…).

Mais la surprise était ici absente (à part peut-être pour le dessert). Tout était bon, tout était agréable, rien ne semblait ni vraiment coréen, ni vraiment occidental. Il manquait peut-être une identité plus affirmée pour faire de ce restaurant un lieu unique. Ou peut-être simplement qu’il manquait d’un peu de kimchi

Jung Sik Dang (정식당)
83-24, Cheongdam-dong
Gangnam-gu, Séoul, Corée du Sud
www.jungsik.kr/seoul

Ouvert tous les jours, de 12h à 14h, puis de 17h30 à 21h.

Ce midi, le prix du menu 5 plats fut de 80.000₩, avec un supplément de 16.000₩ pour le bibimbap (soit au total environ 80€ par personne).