Kurobutaya

le porc qui rit

A deux pas de Tokyo il y a Yokohama. Je vous passe les détails touristiques, et les petits restos tout à fait charmants (il parait) du port. Car ce soir il fallait faire vite et manger près de la gare. Ne pensez pas que je suis contre la découverte magique au détour d’une ruelle, la chance improbable d’un lieu qui rassemble charme, authenticité et léchage de babines intensif. Mais quand on est dans une grande gare, avec des immeubles clonés tout autour, on utilise les nouvelles technologies et on se dégotte un petit izakaya au 7ème étage d’un centre commercial.

Kurobutaya

Un izakaya sert surtout à boire, mais comme les bar à tapas en Espagne, il propose également de nombreux plats en portions réduites. Kurobutaya se spécialise dans le porc Berkshire, une race d’origine anglaise également élevée à Kagoshima sous le nom Kurobuta.

J’ai donc joué le jeu de la succession de petits plats, et pour commencé, j’ai voulu faire le malin…

Je pensais que le plat ci-dessus était de la moelle au ume (une prune très acide). Le serveur s’était forcément trompé quand il m’avait dit qu’il s’agissait « d’os » au ume. Pourtant en voyant la petite assiette se poser devant moi, ma gorge se resserra, mon sourire se crispa et une petite larme commença à pousser ma paupière inférieure droite. Est-ce de l’os mariné pendant un an ou bien du cartilage ? Tout ce que je sais c’est que cela faisait très longtemps qu’un plat ne me révulsa au point de ne pas pouvoir le finir. J’eus honte et me demandai combien d’étrangers avant moi avaient voulu montrer fièrement qu’ils ne sont pas comme leurs homologues occidentaux et qu’ils mangeront même les aliments les plus étranges. Mais le mélange d’acidité extrême, de vague goût de couenne et cette texture claquante plus que croquante ont eu raison de moi. C’est donc la queue entre les jambes, tête baissée, que je poussai la petite assiette en disant un « Gomen nasaï » (« je suis désolé ») tremblotant au serveur.

Kurobutaya

Heureusement ce qui suivi sécha mes larmes. Pas moyen d’avoir plus de précisions sur la partie du porc qui se trouvait devant moi. Qu’importe, c’est avec grand appétit, et niant le passé, que j’avalai ces tranches grillées, un peu grasses, mais quelles saveurs !

Kurobutaya

Pour poursuivre, je pris le plat qui choquera toutes les grands-mères d’occident… les pauvres, déjà qu’elles ont mis du temps à tolérer le concept du sushi, mais allons plus loin (oui, oui, encore cette fierté qui m’a joué des tours précédemment). Ce que vous voyez est donc bien du sashimi de porc. C’est exact, sashimi, cru, des tranches de porc crues… enfin presque, elles sont en vérité plongées dans de l’eau bouillante pendant deux secondes pour réveiller leurs saveurs. Ensuite, on les mange comme d’habitude, caressées de sauce soja et de wasabi. Ouf, cette fois pas de drame, c’est délicieux. La douceur riche et suave du porc (imaginez un excellent jambon) se marie avec perfection au piquant du wasabi et au salé de la sauce. Si on en oublie le côté provocateur de ce plat (dont le serveur m’a garanti qu’il ne pouvait être réalisé qu’avec des porcs de cette qualité, et surtout un circuit court de la ferme au restaurant) il ne reste qu’un moment de délicatesse carnée.

Kurobutaya

Un peu sur ma faim tout de même, je demandai au garçon derrière le comptoir si ces saucisses (je pointe du doigt dans le menu) sont « japonaises ». « Yes, Japanese sausage. »… Hummm non, pas vraiment, ou du moins la différence entre ces saucisses, très bonnes par ailleurs, et leurs versions européennes n’était pas évidente. Et puis six saucisses servies avec du ketchup en guise de « petite faim supplémentaire », j’avais encore raté mon coup. Alors, discrètement, je les trempai une par une dans la sauce soja… je sais, je sais, regardez-le ce français qui vante la diversité de la gastronomie japonaise pour badigeonner n’importe quoi dans de la sauce soja et lui donner une pincée artificielle d’Asie. Mais croyez-le ou non, l’umami des saucisses se voyait ainsi mis en valeur et contrastait avec le léger gras parfumé qui s’en extirpait quand on y plongeait les dents.

Ce dîner fut donc un échec, pas à cause de Kurobutaya qui délivre des plats simples, précis et avec une excellent matière première, mais à cause de mes choix. Le serveur qui parlait un peu anglais (le seul) était par ailleurs très sympa, et cet izakaya me parait parfait pour une soirée entre amis autour d’un verre, et si possible avec quelqu’un qui sait lire le menu en japonais.

Kurobutaya
Takashima 2-16-1, Lumine Yokohama 7F
Yokohama, Japon

Tous les jours de 11h à 23h.

Ce soir, le prix pour une personne fut d’environ 3670¥, soit environ 36,70€. (avec un verre de saké)