Encore des nouilles
chroniques culinaires de Pierre Desproges
Encore des nouilles ? (le point d’interrogation est de moi)
Il est probable que lorsque Desproges choisit le titre de sa chronique gastronomique dans Cuisine et Vins de France, il ne pensait pas aux mêmes nouilles que moi… À mes ramen japonais, à mes naengmyeon coréens, il répondrait par une assiette de coquillettes accompagnées d’un verre de Figeac 71, « profond comme un la mineur de contrebasse ».
Vous le savez bien, j’ai la pirouette linguistique facile, et je m’amuse autant à goûter méticuleusement les trois pattes d’un canard qu’à trouver la bonne formule pour vous les décrire. Mais lorsqu’on écrit une note sur Monsieur Pierre Desproges, on se fait tout petit, on range sa fierté, et on mange nos mots pour mieux dévorer les siens.
Les éditions Les échappés ont rassemblé dans un livre les chroniques du Monsieur Pierre, agrémentés de quelques autres textes sur le sujet comestible, et de dessins… Oui car si, comme moi, vous ne connaissiez pas les éditions Les échappés, sachez qu’elles sont dirigées par un certain Riss, et ont été créées par un certain journal du nom de Charlie Hebdo… Je vous laisse donc imaginer les noms des auteurs des dessins contenus dans cet ouvrage, des dessins qui ne cherchent pas à « faire du Desproges », mais qui illustrent, à leur manière, les textes du grand poète humoristique : parfois c’est crade, parfois c’est con, parfois c’est juste.
Lorsque mon bon ami S. Kaspar m’a offert ce bouquin, quelques jours avant que 2014 ne prenne un sacré coup de vieux, ce présent n’était pas encore chargé de l’ironie qui lui serait insufflé quelques jours plus tard. Je l’ai donc lu de la tête à la queue, je me suis baigné dans la virtuosité verbale de l’auteur, amateur de bon cassoulet et surtout de bon vin, louant les plaisirs de la table tout en critiquant, entre autres choses, la bêtise humaine, les endives, la misogynie et les « aquaphiles » (« Que Madame Evian, Monsieur Badoit et la Compagnie des robinets me pardonnent, mais le produit dont ils inondent – c’est le cas de le dire – le marché ne vaut rien à l’honnête homme »).
On a également droit à quelques recettes absurdes (« Cigale Melba », « Cheval Melba », « Pot-au-feu Marie-Croquette »), à des citations de ses spectacles et émissions, et même à une fable (« Le Coq et la Poule »). Et puis que dire de cette magnifique ode à la tomate (« À l’instar de l’androgyne, jamais tout à fait mâle et pas vraiment femelle, la tomate n’est pas le fruit qu’on nous dit, ni le légume qu’on voudrait nous faire croire. ») ?
Encore des nouilles, le titre est lui aussi à-propos, car on se trouve parfois un peu gauche, il faut bien l’admettre, de vouloir écrire le nez dans l’assiette, en essayant d’y mettre la tournure, en cherchant la petite bête grammaticale, on se demande parfois qui est la nouille… Et puis on relit Desproges, et on se marre, on se poile (poêle ?), et ça nous redonne envie de s’en resservir une ration !
Pourquoi ?
Pourquoi cette fausseté dans les rapports humains ?
Pourquoi le mépris ?
Pourquoi le dédain ?
Où est Dieu ? Que fait la police ?
Quand est-ce qu’on mange ?
– P. Desproges
Encore des Nouilles (Chroniques culinaires)
Par DesprogesLes Échappés, 2014
128 pages
ISBN 978-2-35766-076-2Un grand merci à S. Kaspar pour ce beau cadeau.
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