Los calçots

le prince des oignons

Calçots

En Catalogne, du début janvier à la fin mars, il se passe des choses bien étranges… Des hommes et des femmes se réunissent autour de grands feux, boivent du vin dans des porro, une carafe étrange permettant de faire couler un filet de vin que les plus bout-en-train des catalans utilisent pour se verser le liquide dans l’œil, avant qu’il ne se déverse dans la bouche… (oui, étrange). Mais surtout, tout le monde met la tête en arrière pour glisser dans son bec grand ouvert une sorte de poireau fin, puis un autre, puis une dizaine, puis une vingtaine…

Cet être bizarre mi-oignon mi-poireau est le calçot.

Calçots

Ce bulbe élancé est obtenu avec une méthode originale. Au début de l’automne, des oignons blancs à la poitrine fière et robuste sont replantés profondément dans la terre. Cherchant le soleil, de jeunes pousses (jusqu’à quinze par oignon !) commencent à pointer du nez, c’est alors que le prince des ténèbres ou le fermier, va recouvrir les jeunes calçots d’encore plus de terre pour les empêcher de faire bronzette. Un peu comme pour les asperges blanches, cela empêche la plante d’accumuler de la chlorophylle, ce qui la rendrait plus verte, certes, mais surtout moins tendre. Vers janvier, et jusqu’au mois d’avril, on déterre ces joyaux, on organise une calçotada et on peut commencer les festivités !

Calçots

Cuits sur une grille au dessus du feu jusqu’à ce qu’ils soient carbonisés, les calçots sont ensuite emballés dans du papier journal pour qu’ils continuent de s’attendrir à la vapeur et qu’ils se gorgent de fumée. Pour les déguster, on retire la première peau noircie, et on avale le cœur blanc et crémeux, en le trempant dans une sauce faite spécialement pour l’occasion, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la salsa romesco (amandes mixées, tomates, poivrons rouges, ail…) mais que pourtant tous les catalans vous jureront être différente.

Calçots

On s’en fout partout, dans la barbe, sur les doigts, mais il faut bien admettre que les calçots sont complètement addictifs. Plus doux et sucrés que les poireaux ou les oignons, mis en valeur par le peps de la sauce légèrement piquante et acidulée, on s’en glisse un, puis un autre, puis une dizaine, puis une vingtaine…

J’aimerais vous indiquer un restaurant où manger ces merveilles, mais malheureusement je n’en connais pas (bien qu’il en existe certainement). Tout ce que je peux faire c’est vous expliquer ma manière de procéder, donc…

Rencontrez une catalane, si possible belle et intelligente, et qui retourne régulièrement voir sa famille près de Barcelone.
Au choix : séduisez-la, ou laissez-la vous séduire. Un mélange homogène de ces deux ingrédients fonctionne aussi.
Assurez-vous d’avoir rencontré la femme de votre vie, et une fois cette précaution prise, sautez illico-presto dans un vol Paris-Barcelone pour rencontrer sa famille.
Maintenant il va falloir agir avec tact : gagner la confiance de la mère c’est facile (vous êtes déjà le gendre idéal, je n’en doute pas), mais c’est le père et les frères qu’il faut réussir à se mettre dans la poche. Lorsque vous sentez qu’un lien commence à se créer, annoncez nonchalamment que vous avez entendu parler des calçots et que vous serez bien curieux d’y goûter.
En général, c’est trop tard pour ce séjour, mais la graine est plantée, et si vous continuez à jouer les bonnes cartes, lors de votre prochaine visite, vous devriez être accueilli avec une belle calçotada dans les règles de l’art !

Croyez-moi ça en vaut vraiment la peine… pour les calçots, et surtout pour le reste…